– Questions et réponses à Poona le 26 septembre 1948
Extrait paru dans Le Courrier du livre-Paris… toujours d’actualité!
Question: – N’est-il pas nécessaire d’ avoir des écoles internationales pour cultiver la bonne volonté ?
– Monsieur, la bonne volonté est-t-elle cultivée par l’internationalisme? Différentes nations se réunissent autour d’ une table ronde, mais chacune d’elles tient à sa propre souveraineté , à son pouvoir, à son prestige.
Alors comment peut-il y avoir une réunion de personnes pour cultiver la bonne volonté ? Vous vous appuyez sur vos armées et moi sur les miennes.
Y a-t-il de la bonne volonté entre deux voleurs ? Il y a coopération pour se partager le butin.
La bonne volonté est évidemment tout autre chose ; elle n’appartient à aucun groupe, à aucune nation, à aucun gouvernement national. Lorsque le gouvernement national devient suprêmement important, la bonne volonté disparaît.
La plus grande partie de nos vies se passe à agiter un drapeau, à être un nationaliste, à rendre un culte à l’État (c’ est la nouvelle religion) ; alors comment peut-il y avoir de la bonne volonté ? Il n’y a qu’envie, haine et inimité.
La bonne volonté ne survient que lorsque les étiquettes sont mises de côté, lorsqu’il n ‘y a pas de division entre vous et moi, de classes, d’argent, de pouvoir ou de situations.
Lorsque nous aurons de la bonne volonté, nous n’ appartiendrons à aucune nation ; vous et moi vivrons heureux ensemble, donc il ne sera pas question d’internationalisme, ni d’un monde unique.
Dire que par le nationalisme nous deviendrons un jour internationaux, que nous aurons un jour la fraternité, est un processus très erroné n-est-ce pas ? C’est un faux raisonnement.
Un passage étroit ne peut pas conduire au delà de toutes les limites.
Ce n’est que lorsqu’on démolit les limites étroites de l’esprit et du cœur que l’ on peut aller de l’ avant; et lorsque les murs sont démolis, l’immensité de l’horizon de la vie est là. Vous ne pouvez garder en vous aucune étroitesse, lorsque vous invitez la vaste expansion de l’éternel.
La bonne volonté ne vient pas par une organisation.
Considérez combien fallacieuse est l’idée que vous pouvez faire partie d’une société pour la fraternité… ce n’est que lorsque vous n’avez aucune fraternité dans votre cœur que vous vous faites membre d’une telle société.
Lorsque vous avez de la fraternité dans votre cœur, vous n’avez besoin d’adhérer à aucune société, à aucune organisation.
L’importance que vous donnez aux organisations et aux sociétés montre que vous n’êtes pas fraternels ; vous vous voulez échapper au fait que vous n’êtes pas fraternels, donc les organisations deviennent importantes et vous leur appartenez.
La difficulté est d’être fraternel, d’être bon, d’être bienveillant, d’être généreux ; et cela n’est pas possible tant que vous pensez à vous-même.
Vous pensez à vous-même lorsque votre enfant devient suprêmement important comme moyen à votre bonheur, lorsqu’il devient un moyen de faire durer votre nom, votre religion, votre point de vue, votre autorité, votre compte en banque, vos bijoux.
Lorsqu’un homme est absorbé par lui-même et l’extension de lui même, comment peut-il y avoir de l’amour dans son cœur, comment peut-il y avoir de la bonne volonté ? La bonne volonté n-est-elle qu’une affaire de mots ?
C’est cela qui se passe dans le monde lorsque tous ces politiciens éminents, habiles et érudits se rencontrent; ils n’ont aucune bonne volonté loin de là. Ils représentent leurs pays, qui est eux-mêmes et vous.
Comme eux nous cherchons le pouvoir, une situation et de l’autorité.
Monsieur, un homme de bonne volonté n’a pas d’autorité, il n’appartient à aucune société, il n’appartient à aucune religion organisée, il n’adore ni les richesses ni les titres.
L’homme qui ne pense pas à lui-même créera évidemment un monde nouveau, un nouvel ordre, et c’est vers cet homme que nous devons chercher le bonheur, une nouvelle culture, et non vers les riches ou ceux qui adorent les richesses.
La bonne volonté, le bonheur et la félicité ne viennent que lorsqu’il y a recherche du réel.
Le réel est près, pas loin.
Nous sommes aveugles, aveuglés par des choses qui nous empêchent de voir ce qui est près.
La vérité est la vie, la vérité est dans vos rapports avec votre femme, la vérité se trouve lorsqu’ on comprend l’erreur qu’est la croyance.
Vous devez commencer près pour aller loin. L’action doit être sans mobile, sans que l’on cherche un but ; et l’action qui n’est pas à la recherche d’ un but ne peut venir que lorsqu’il y a l’amour.
L’amour n’est pas une chose difficile. Il n’y a d’ amour que lorsque le cerveau se comprend lui-même, lorsque le processus de pensée, avec ses manipulations habiles, avec ses rajustements, avec sa recherche de la sécurité, parvient à une fin ; alors vous verrez que le cœur est riche, plein, en état de béatitude, parce qu’il a découvert cela qui est éternel.